BERTRAND TAVERNIER


 

Bertrand Tavernier

UN MONUMENT DU CINÉMA

Il y a des rencontres qu’on ne peut oublier. Je la dois à son inséparable, inébranlable, si talentueux chef-opérateur, attitré et préféré : Alain Choquart.

Encore Merci Alain !!!

Alain et Vanessa Lhoste, (amie depuis de nombreuses années) un duo de choc, qui ne se sont jamais quittés, tous deux grands passionnés de Cinéma.  (Ils ont créé ensemble le festival « de l’écrit à l’écran » à Montélimar)

Ils étaient venus tous les deux me voir dans le petit bijou qu’avait monté Marion Bierry et qui cartonné: la pièce de Marivaux « la seconde surprise de l’amour » .  À l’issue de la représentation nous sommes partis diner. Lors de ce repas si joyeux et si amical  Alain pensait que je pouvais tout à fait faire partie du prochain film de Bertrand Tavernier. Il m’a donné l’adresse de Tavernier pour que je lui écrive dans l’immédiat car il préparait son film « Capitaine Conan » le casting était quasiment booké, mais avec Tavernier « on ne sait jamais a t-il rajouté. Il fallait donc que je fasse « fissa ». Aussitôt dit, aussitôt fait. Les mails n’existaient pas n’existaient pas à l’époque. Quelques jours plus tard à ma grande surprise Bertrand Tavernier m’a répondu (ça aussi ça a disparu, les réals d’aujourd’hui ne répondent pas forcément immédiatement) il viendrait me voir au théâtre. Pas possible?!!! Je lançais un coup de fil à Alain et Vanessa leur remerciant une fois de plus d’une telle opportunité qui s’offrait à moi.

Une semaine plus tard, il était dans la salle. Mort de trac vous pouvez vous imaginer, nous l’étions tous mes camarades et moi. Nous avons fait l’une de nos meilleurs représentations poussé par je ne sais quelle énergie. Probablement par celle du Grand Maitre qui avait fait l’effort de venir nous applaudir. À la fin de la représentation, pas de Tavernier il s’était éclipsé. Dans ma tête, vous imaginez ma déception,  j’ai pensé tout de suite que c’était foutu et que jamais une autre occasion ne se représenterait pour l’approcher.

Quelques jours plus tard je reçus une courte lettre de Bertrand me remerciant de l’avoir invité, qu’il avait beaucoup aimé la pièce et ceux qui l’avaient interprété. Il terminait sa lettre en me donnant rendez-vous chez lui, Rue du Perche, tel jour tel heure et que si ça ne me convenait pas, que je laisse un message à la secrétaire de sa boite de prod « Little Bear ».

C’était pas ÉNORME ça ! j’allais rencontrer, en personne,  le Grand Tavernier, chez lui ! Qu’est-ce que je pouvais lui raconter, moi le simple acteur n’ayant si peu de connaissances cinématographiques comparé à ce géant et passionné de Cinéma ? J’en savais foutre rien, je faisais confiance à mon instinct, je n’avais de toutes façons, pas d’autres choix…

Il m’a ouvert la porte et de sa voix si particulière m’a reçu si simplement, si généreusement, si humblement comme si nous nous étions déjà vu. Aux dires de ce que lui avait rapporté Alain et à la lecture de mon CV théâtral, tout de go il m’a proposé un rôle pour son film  » CAPITAINE CONAN » et de partir avec toute son équipe dans les prochains jours en Bulgarie. (je ne me souviens plus exactement du lieu de tournage ) Comme nous rencontrions un véritable succès au théâtre, et que j’étais sous contrat je ne pouvais quitter mes camarades de jeu du jour au lendemain et à mon grand désespoir j’ai dû décliner l’offre et dire « non » à Monsieur Tavernier ! j’étais si confus, j’avais tellement honte de lui annoncer que je ne pourrais pas faire partie de sa distribution, jamais je ne me suis senti aussi désemparé.

À sa sortie, le film reçu le « César » le plus prestigieux peut être, celui du meilleur réalisateur. J’avais donc manqué la plus belle occasion qui m’était offerte, celle de tourner avec l’un dès plus grands.

Nous étions en 1996.

L’histoire ne s’arrête pas là.

Le comble dans tout ça c’est que le grand Maître du cinéma m’en a pas tenu rigueur pour autant !

Quelques années plus tard, en 1999 nous jouions une pièce de Sergi Belbel toujours au théâtre de Poche, et comme pour m’excuser, ou me faire pardonner, allez savoir, comme je l’avais appris lors de mon entrevue avec lui, qu’il vouait une grande admiration pour les acteurs qui se donnaient corps et âmes sur scène tous les soirs,  je me suis donc empressé de lui renvoyer un mot lui demandant s’il pouvait revenir me voir toujours au théâtre de Poche, toujours dans une mise en scène de Marion Bierry (vous connaissez le proverbe « on ne change pas une équipe qui gagne » , la pièce de Marivaux nous l’avions joué plus de 300 fois ) mais cette fois dans une nouvelle pièce qui n’avait jamais été joué d’un jeune auteur espagnol prometteur. « APRÈS LA PLUIE » . Lors des toutes premières représentations nous avons remporté immédiatement un énorme succès et nous jouions à guichet fermé. Connaissant mon anecdote précédente avec Tavernier la directrice Renée Delmas eu la gentillesse de m’octroyer une place pour monsieur Tavernier. Il vint une fois de plus, et comme chaque soir le public était enchanté de découvrir cette pièce dont les critiques disaient le plus grand bien. À  la fin de la pièce il m’attendait cette fois çi à la sortie, nous félicitant chacune et chacun de l’excellent moment qu’il avait passé et qu’il s’était bien boyauté (sic) avant de nous quitter, Il me donna rendez-vous à sa boite de prod le lendemain! j’étais fou de joie!  Une fois de plus j’étais dans mes petits souliers, il réitéra sa demande me proposant cette fois ci un autre rôle dans son prochain film  « ÇA COMMENCE AUJOURD’HUI« . et rebelote patatras une fois plus, le sol s’effondra sous mes pieds, Dégouté, écoeuré, j’ai dû me soumettre à mon triste destin, comme j’étais sous contrat avec le théâtre, j’étais dans l’impossibilité de quitter mes camarades de jeu… et que vous ne le croyez ou non, j’ai été dans l’obligation, une fois de plus de lui dire: « non, ça va pas être possible » À Monsieur Tavernier ??? Quoi!!! …Et une fois de plus son film fut récompensé et couronné de nombreux prix.

La seule consolation dans toute cette histoire, nous avons joué cette pièce plus de 500 fois, raflant même au passage un « Molière » de « la meilleure pièce comique »

Que voulez-vous, il m’est difficile aujourd’hui d’en tirer une conclusion, était ce de la malchance? Oui me direz vous ? Mais « quand ça veut pas, ça veut pas « comme dirait l’autre.  Une chose est certaine c’est l’une de mes plus grandes déceptions de ma carrière, de ne pas pu avoir fait ne serait-ce qu’un bout de chemin avec cet homme si généreux , aux côtés de cet homme amoureux du 7ème art, comme aucun de sa génération l’était d’ailleurs. Il n’y en avait pas deux comme lui ! C’était une véritable encyclopédie, un passionné de la Vie, de l’Histoire en générale. Il est probable que ma carrière aurait pris un tout autre virage… Qui sait?

ENCORE UN GRAND MERCI MONSIEUR TAVERNIER POUR TOUS LES TRÉSORS QUE VOUS NOUS LAISSEZ! BON VOYAGE !